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Chaque 21 juin, la France célèbre la Fête de la Musique, un événement national largement ancré dans la culture populaire. Musiciens amateurs ou professionnels investissent les rues, les places et les scènes, dans un esprit de partage et de convivialité.
Si cette fête peut être perçue comme une opportunité d’expression artistique, elle soulève aussi des questions de conscience pour de nombreux musulmans, notamment en ce qui concerne la place de la musique en islam.
Une diversité d’avis juridiques
Dans la tradition islamique, les avis juridiques sur la musique varient. Certains savants l’interdisent totalement, s’appuyant sur des hadiths qui évoquent la musique comme un instrument de distraction menant à l’insouciance ou à la débauche. Parmi eux, des figures comme Ibn al-Qayyim ou al-Ghazali ont exprimé des positions très critiques envers l’usage des instruments de musique.
D’autres savants, en revanche, adoptent une approche plus nuancée : ils distinguent entre les types de musique, les paroles qui y sont associées, les effets sur l’âme, et le contexte d’écoute. Par exemple, al-Ghazali lui-même reconnaît que certains chants peuvent élever l’âme ou renforcer la foi, si le contenu est licite et l’intention sincère
Il y a aussi des écoles contemporaines qui considèrent que la musique, dans certaines limites (paroles respectueuses, usage non excessif, absence d’effets néfastes), n’est pas interdite en soi, mais plutôt conditionnée à son usage et à son impact, en se basant sur des textes authentiques et un raisonnement équilibré.
Le hadith des Abyssins dans la mosquée du Prophète ﷺ
L’un des récits les plus clairs à ce sujet est le hadith rapporté par Aïcha (رضي الله عنها) :
« J’ai vu le Prophète ﷺ debout à la porte de ma chambre, me cachant derrière lui, tandis que je regardais des Abyssins jouer avec leurs lances dans la mosquée. Il m’a laissé regarder, jusqu’à ce que j’en aie assez. »
Sahih al-Bukhari, Sahih Muslim
Ce hadith montre plusieurs points importants :
- Le divertissement en tant que tel n’est pas interdit lorsqu’il est dépourvu d’indécence.
- Le Prophète ﷺ n’a pas réprimandé Aïcha ni les Abyssins.
- Le fait que cela ait eu lieu dans la mosquée souligne l’absence d’un interdit formel, tant que les règles de décence sont respectées.
Le chant permis aux jeunes filles lors des fêtes
Un autre hadith célèbre est celui où deux jeunes filles chantaient chez Aïcha lors du jour de l’Aïd.
Le Prophète ﷺ est entré et deux jeunes filles chantaient des chants traditionnels de guerre. Abou Bakr est entré et a dit :
« Les flûtes du diable dans la maison du Prophète ?! »
Mais le Prophète ﷺ répondit :
« Laisse-les, ô Abou Bakr, ce sont les jours de fête. »
Sahih al-Bukhari
Ce hadith montre que le Prophète ﷺ a défendu une forme de chant, dans un contexte festif, et a corrigé Abou Bakr qui pensait que c’était inapproprié.
Parmi les savants classiques et contemporains qui autorisent la musique avec conditions :
- Al-Ghazali (dans Ihya ‘Ulum ad-Din) : il dit que la musique peut adoucir le cœur, et que le mal n’est pas dans l’instrument, mais dans l’usage qu’on en fait.
- Ibn Hazm al-Andalusi : il affirme dans al-Muhalla qu’aucun texte authentique ne prouve l’interdiction absolue de la musique, et que tout ce qui n’est pas interdit est permis.
Conditions posées par les savants modérés
Les conditions principales sont :
- Le contenu doit être licite : pas de paroles immorales, ni d’incitation au péché.
- Le contexte doit être maîtrisé : ne pas écouter dans des lieux de débauche ou en présence de choses illicites.
- Cela ne doit pas mener à délaisser les obligations religieuses.
- Cela ne doit pas dominer le cœur au point de détourner du rappel d’Allah.
Conclusion
Le consensus sur l’interdiction totale de la musique n’existe pas. Il s’agit plutôt d’un champ d’ijtihâd (effort d’interprétation), avec des avis divergents parmi les savants sérieux. Ce qui est certain, c’est que l’intention, le contexte et les effets doivent être évalués.
Le musulman sincère est donc invité à s’interroger sur l’effet spirituel de la musique sur lui et choisir ce qui rapproche de Dieu, et éviter ce qui endurcit le cœur.